Et voilà que je découvre les deux premiers albums de la collection Philonimo aux éditions 3œil, collection dont la présentation est titrée « Grands philosophes pour petits lecteurs » et dont il était alors d’autant plus tentant de parler dans cette chronique « Grands livres pour petites personnes » !
Ces livres, tous deux écrits par Alice Brière-Haquet, à l’origine de la collection, et illustrés par Olivier Philipponneau pour Le Porc-épic de Schopenhauer et Csil pour Le Corbeau d’Epictète, se révèlent passionnants par leur volonté d’offrir une première approche de la philosophie aux enfants dès trois ans.
3œil est une petite structure d’édition aux publications toujours très belles et intéressantes mais aussi un atelier de création réalisant affiches, conceptions et identités graphiques. Les univers créés autour de leurs livres sont riches et réfléchis, beaucoup d’ateliers ou autres interventions sont mis en place autour des textes et jeux littéraires mais aussi autour de l’illustration avec de premières approches de techniques de gravure notamment proposées aux enfants. Ce travail, très cohérent tout autour de leurs différents livres, montre une approche globale et passionnante du livre pour enfant en s’intéressant et en questionnant le contenu du livre mais aussi sa fabrication.
Avec la toute nouvelle collection Philonimo, Alice Brière-Haquet retrouve 3œil où elle a déjà écrit plusieurs albums dont Tangram ou Il, elle, lui, en parallèle des nombreux albums, romans ou recueils de poésie dont elle est l’autrice pour d’autres maisons d’édition, mettant ses textes et son soucis de la justesse des mots au service de diverses formes littéraires toutes aussi intéressantes dans cette perspective.

Ici, voilà de premières approches de certaines idées philosophiques pour les enfants par le biais de paraboles animalières, un philosophe ou une de ses théories étant présenté par le biais d’un animal.
Dans Le Porc-épic de Schopenhauer, des porcs-épics se rapprochent les uns des autres pour se réchauffer mais se blessent en étant trop près jusqu’à atteindre la juste distance pour ne pas avoir froid ni se piquer dans une forme de politesse nécessaire au vivre ensemble, question d’actualité en ces temps de distanciation sociale. Dans Le Corbeau d’Epictète, le chant du corbeau est vu de prime abord comme un mauvais présage puis comme une forme de beauté en soi pouvant faire le bonheur bien plus que des croyances ou superstitions.
L’usage de métaphores animalières, assez fréquent dans la littérature jeunesse avec des animaux plus ou moins anthropomorphes, que ce soit dans des fables, contes ou dans différents albums, permet de parler de l’Homme sans en avoir trop l’air, de faire ressortir des questions de société nous concernant de façon plus flagrante en marquant de prime abord un décalage tout en attirant par le côté plaisant et délicat ou drôle de l’histoire mettant en scène des animaux. Ainsi, des idées a priori simples peuvent devenir complexes à expliquer théoriquement, d’où l’usage du parallèle animalier pour re-simplifier la théorie et l’amener à hauteur d’enfant sans pour autant la dénaturer par simplification en arrivant par une certaine sobriété à une grande clarté du propos.

Ces petits livres peuvent alors être lus ou écoutés avec différents niveaux de lecture selon l’âge du lecteur et l’usage que l’on en fait, le but premier étant alors sûrement d’évoquer la possibilité de premiers questionnements, de la réflexion par soi-même et en elle-même dès un jeune âge. Les textes courts s’avèrent alors aussi intéressants que beaux et poétiques avec des rimes passagères, des sonorités bien choisies et un rythme proche parfois de certains haïkus qui en font de réjouissantes lectures à voix haute.
Eu égard à la ligne de 3œil imbriquant finement textes et graphismes, il va sans dire que ces livres sont très beaux dans leurs illustrations mais également dans la maquette de la collection bien réfléchie et à la fabrication impeccable, de la couverture de couleur franche à la découpe ronde laissant apparaître l’animal en question au choix du papier utilisé en passant par le petit format très agréable et bien adapté à une mise en bouche philosophique pour petits sans être trop impressionnant pour les plus grands.
Des techniques d’illustration traditionnelles sont utilisées par les différents illustrateurs montrant par là cet attachement à la belle illustration. Ainsi, Le Porc-épic de Schopenhauer est illustré par Olivier Philipponneau selon la technique de l’estampe japonaise et Le Corbeau d’Epictète est illustré par Csil à la gravure à la pointe sèche. Chaque illustration reprend, dans son style, une charte claire notamment quant aux couleurs avec l’usage principal du noir et blanc auxquels s’ajoute la couleur franche de la couverture, différente pour chaque livre.
Cette nouvelle collection, saisissante au premier regard par son travail graphique s’avère donc tout aussi belle qu’intelligente et astucieuse en mêlant subtilement philosophie, poésie et belle illustration !
Le Porc-épic de Schopenhauer d’Alice Brière-Haquet et Olivier Philipponneau et Le Corbeau d’Epictète d’Alice Brière-Haquet et Csil, éditions 3oeil, collection Philonimo, 9 euros, à partir de 3 ans.
Pour écouter la chronique et toute l’émission Écoute ! Il y a un éléphant dans le jardin où elle a été diffusée.
Pour plus d’informations sur les éditions 3œil.
2 commentaires sur “#6 – Philonimo – Alice Brière-Haquet, Olivier Philipponneau, Csil”