Vous l’avez sûrement remarqué si vous lisez régulièrement ces chroniques, j’aime beaucoup le catalogue et la ligne éditoriale des éditions MeMo et notamment leur intérêt pour le livre en lui-même, sa fabrication et celle des images, que ce soit via de très intéressantes monographies, des rééditions patrimoniales importantes ou ici par une nouvelle collection de livres autour de différentes techniques d’impression.
Gaby Bazin est une autrice, illustratrice et graphiste portant un intérêt particulier dans son travail à l’imprimerie et à l’impression comme technique. Elle a déjà publié il y a quelques années Écrire c’est dessiner aux éditions MeMo, un fascinant livre-jeu autour de l’écriture cursive. Elle a pu bénéficier d’une résidence à l’atelier de lithographie du musée du pays d’Ussel en Corrèze en 2017 où elle a conçu le projet de ce livre.
La Lithographe est un album navigant entre fiction et documentaire dans un atelier de lithographie où l’on suit une spécialiste de ce procédé d’impression dans son travail avec son histoire, ses techniques, ses instruments, ses expérimentations…

En librairie, et notamment lors d’ateliers, j’ai vu la fascination de certains enfants pour des questions techniques précises autour de la façon dont sont fabriqués les livres et leurs images. Le sujet passionnant de l’impression est admirablement traité par Gaby Bazin ici où le résultat livre imprimé devient le sujet de ce même livre dans une sorte de mise en abîme. Dans cette démarche, une première édition du livre a eu lieu sous forme de livre d’artiste en tirage limité en risographie avec une couverture en lithographie. Ici, pour permettre une diffusion plus large de l’ouvrage, le livre a été imprimé avec des tons directs en offset, technique inspirée de la lithographie à grande échelle avec des plaques différentes par couleurs, ce qui permet de bien en retranscrire les effets.
Différents aspects de la lithographie sont développés par l’autrice dans ce livre. L’aspect historique et la création de cette technique d’impression entre anecdote et découverte puis mise en place et développement du procédé au XVIIIe siècle par le dramaturge Aloys Senefelder qui voulait pouvoir reproduire les textes de ses pièces. L’aspect créatif et artistique de la pratique par des effets de superpositions, jeux sur les couleurs et images travaillées en miroir pour obtenir le résultat souhaité à la fin de processus. L’aspect artisanal et physique très concret de l’impression par le travail de la pierre et l’usage de la presse. Mais aussi l’aspect presque scientifique ou chimique à l’œuvre par la prise en compte de la répulsion entre l’encre grasse et l’eau sur la pierre pour faire apparaître l’impression. L’on se rend alors compte que, bien qu’ayant permis de développer les premières impressions en nombre de journaux, affiches, partitions ou livres, la lithographie est dorénavant considérée comme une technique artistique, un usage de métiers d’art donnant parfois lieu à des tirages très limités.
Il y a là un aspect magique et presque mystérieux de la divulgation du processus amenant à la création progressive d’une image imprimée pour arriver au résultat souhaité. La fascination porte alors tant sur le processus en lui-même que sur le résultat. La décomposition nécessaire des images par couches, par couleurs montre l’infinie subtilité de cette activité. Il en va de même pour le travail en miroir pour que l’image imprimée et son texte, le cas échéant, soient à l’endroit, d’où le détail savoureux de la page de titre où le titre est lui-même représenté à l’envers, comme il doit être inscrit sur la pierre pour être après imprimé dans le bon sens (mais a donc dû être, pour une fois, inscrit à l’endroit avant l’impression pour montrer cet effet sur cette page).

Les textes de Gaby Bazin sont sobres, clairs et précis pour rester descriptifs sans être trop denses. Cela permet de laisser beaucoup de place aux illustrations nécessaires en elles-mêmes pour clarifier le propos, le rendre bien plus concret par l’aperçu du rendu dans la représentation de chaque étape de l’impression. Certains points ne sont développés que par les illustrations avec, par exemple, les effets de superposition des trois couleurs utilisées ou le rendu des différents outils possibles.
Les illustrations relèvent tant de l’expérimentation plastique autour de la technique de la lithographie pour en révéler les possibilités que de l’illustration documentaire explicitant cette technique en elle-même. Nous sont exposés alors tant le relief et les matières que les effets de chevauchement rendus possibles par cette technique qu’un pur intérêt graphique pour la composition et la richesse de ces planches. Les illustrations sont faites de formes simples et géométriques combinées entre elles et entre les trois couleurs primaires rehaussées de quelques traits fins. Le fond blanc est important pour laisser toute la place aux effets de matières et à l’évolution des compositions entre scènes d’atelier plus fournies et listes d’outils ou d’effets plus sobres, effets eux-mêmes utilisés dans les différentes séquences représentées. L’on pense alors tant au grain et à la précision de Nathalie Parrain qu’à une grande modernité graphique dans l’usage des volumes.
Par sa richesse et sa clarté, ce livre donne envie de voir réellement, voire d’expérimenter soi-même et avec des enfants lors d’ateliers cette technique fascinante qu’est la lithographie.
La Lithographe, Gaby Bazin, éditions MeMo, 16 euros, à partir de 8 ans.
Pour écouter l’émission Écoute ! Il y a un éléphant dans le jardin où cette chronique a été diffusée (vers 76 min environ).
Pour plus d’informations sur Gaby Bazin et sur les éditions MeMo.
Merci pour le partage et la découverte vraiment 🙂 hésites pas à venir faire un tour sur mon site Intel-blog.fr et à t’abonner si ça te plaît 🙂
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