Voilà un des albums dont j’attendais le plus la parution ce printemps ! Je suis avec attention le travail d’Adèle Verlinden, dont l’univers et les illustrations aussi éclatantes que fantaisistes me fascinent par leur beauté et leur originalité saisissante, depuis son premier et très bel album aux éditions Magnani, Sam et l’ombre.
Dans Polly et les trois chiens, on suit la princesse Polly, régnant sur un royaume merveilleux où les chiens et les humains vivent en bonne entente jusqu’au jour où elle découvre la disparition du corgi qui l’accompagne tout le temps ainsi que celle de tous les chiens du pays qu’elle retrouvera prisonniers d’une affreuse monstresse s’apprêtant à les dévorer… Grâce à trois chiens géants et un briquet magique, Polly parviendra alors à vaincre la monstresse et libérer les chiens.

Cette histoire est une adaptation libre par l’autrice du conte peu connu et assez étrange d’Andersen Le Briquet. Elle n’en est pas une réelle réécriture et s’en éloigne volontiers pour n’en garder que certains aspects, en particulier les trois chiens magiques qui prennent ici toute leur importance. Sans connaître nécessairement le conte d’Andersen à la lecture de l’album, l’univers propre des contes y est tout de même présent et l’on pense tour à tour au Petit Poucet, à Hansel et Gretel, voire à Peau d’âne par moments.
Je ne suis moi-même pas très attirée par la plupart des contes classiques mais par contre très intéressée par leurs réécritures ou réappropriations par des auteurs contemporains. C’est que les contes peuvent former une base particulièrement intéressante à développer tant en terme narratif que d’illustration avec une narration typée en forme de quête, l’invitation fréquente du merveilleux et de la magie comme ressort aux rebondissements, des personnages archétypaux de princesse, sorcière ou monstre notamment et le recours fréquent aux animaux anthropomorphes.
Partant de là, on voit tout de suite l’univers d’Adèle Verlinden se confronter et s’imbriquer à celui du conte pour en garder une partie de l’intrigue tout en changeant la narration, le contexte et les références et en l’associant à des illustrations fantaisistes pour en faire une histoire détonnante à lire et à regarder dans tous les détails nouveaux apportés par l’autrice.
Ainsi, partant du conte, il est alors totalement cohérent de se retrouver dans cet album au coeur du royaume bien particulier de Canidies, univers fantasque construit ici autour des chiens et de leur rapport aux hommes différent du notre. La construction de cet univers entier est alors propice à développer tout l’humour d’Adèle Verlinden à travers un fourmillement de détails savoureux, des enseignes des magasins aux tableaux de chiens et détails canins omniprésents que les enfants comme les adultes se plairont à débusquer un peu partout au fil des pages aux magnifiques illustrations denses et fournies bien mises en valeur par le grand format de l’album.

Cet univers de conte se frotte et se mêle ici à tant d’autres références plus ou moins contemporaines qui font alors toute l’ingéniosité de cette adaptation. À la quête initiatique du conte peut être comparée ici la quête d’un personnage de jeu vidéo de plateforme : Polly, sorte de Princesse Peach dans le jeu Mario, étant toujours présentée de profil, suivant un chemin tracé, est confrontée à diverses embuches sur son passage, tout se développant autour de cette ligne de sol représentée et sur laquelle Polly avance pour accomplir sa mission.
À cela s’ajoutent des références graphiques diverses permettant la mise en place de cet univers détonnant appliqué au conte classique, de la monstresse faisant penser à certaines estampes japonaises ou certaines représentations de yokai, à la nature et aux animaux représentés entre naïveté et prouesse graphique rappelant les peintures du douanier Rousseau, en passant par le merveilleux confinant au kitsch pouvant faire penser aux films de Jacques Demy.
Ainsi, les illustrations à la gouache d’Adèle Verlinden sont aussi impressionnantes, belles que fantaisistes et souvent drôles. Les couleurs vives détonnent dans leurs associations, les détails foisonnants sont particulièrement réussis. Le style est totalement démesuré et parfaitement réussi en cela, ne s’embarrassant pas du réalisme de fait non nécessaire vu que l’univers créé du royaume où cette histoire se tient est lui-même fantaisiste. Ainsi, les couleurs et les formes nous saisissent, hors de toutes lois de la nature dans ces doubles-pages se succédant, toutes aussi somptueuses et ambitieuses les unes que les autres.
Polly et les trois chiens, Adèle Verlinden, éditions Les Fourmis rouges, 17,50 euros, à partir de 4 ans.
Pour écouter la chronique et toute l’émission Écoute ! Il y a un éléphant dans le jardin où elle a été diffusée.
Pour plus d’informations sur Adèle Verlinden et sur les éditions Les Fourmis rouges.
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