J’ai déjà dit ici tout le bien que je pense des éditions Biscoto mais je souhaite insister aujourd’hui sur les bandes dessinées publiées par cette maison d’édition indépendante qui apportent beaucoup de fraîcheur au paysage de la bande dessinée jeunesse encore en grande majorité assez classique. Ici sont proposées des bandes dessinées dès le plus jeune âge plutôt novatrices sur ce secteur tant dans les formats, types d’illustration que sur les sujets traités et les représentations proposées aux enfants.
Tanja Esch est une autrice et illustratrice allemande d’albums et de bandes dessinées principalement pour la jeunesse que j’ai découverte il y a quelques années avec son premier livre traduit en français, déjà aux éditions Biscoto, Super Cool, un livre entre album et bande dessinée sur une petite fille arrivant à l’école avec sa nouvelle veste en jean qu’elle adore et qui sera petit à petit moquée par les autres enfants. Ce livre, très fin sur les rapports entre jeunes enfants, et les autres projets de l’autrice montrent son intérêt pour les histoires d’enfance, de groupe, d’amitié et de cours d’école, l’enfance et les enfants étant particulièrement bien croqués, cela nous ramenant à notre enfance propre à la lecture par tant de détails, de petites phrases, de sentiments ressentis. Le ton y est très juste, balançant entre humour, bienveillance et engagement.
Ce ton propre à l’autrice se retrouve totalement dans Les Détectives du cagibi et ce qui est annoncé ici comme la première aventure de ce groupe : La Nouvelle est une alien. On y suit un club de détectives créé par des amis d’école bien désemparés, en tant que détectives à l’affut de nouvelles affaires, dans leur ville sans histoires où il ne se passe pas grand chose d’inhabituel. Arrive un jour dans la classe une nouvelle élève, Lily, qui s’avère, ainsi que ses parents, particulièrement originale et parfois décalée par rapport aux autres enfants de l’école, Entre fantasmes enfantins et légendes urbaines, elle devient alors le sujet d’enquête du club de détectives, qui vont aller, dans un virage vers la science-fiction de l’histoire, jusqu’à la soupçonner d’être une extra-terrestre (après avoir envisagé tant d’autres possibilités, dont celle que ses parents soient des stars du rock). De la filature à l’espionnage, tout est alors bon pour la démasquer et trouver des indices sur sa nature supposée.

Cette aventure qui prend le temps de s’étendre sur plus d’une centaine de pages développe tout particulièrement l’humour de Tanja Esch à travers la dynamique enfantine du club et l’attrait pour les mystères en tout genre. Un soucis particulier des détails dans la narration tant par les dialogues que par les illustrations nous montre des enfants-détectives très organisés dans leur plan et suréquipés de bric et de broc, ce qui est assez savoureux autour de ces personnages attachants et drôles sans que l’on ne se moque d’eux et de leurs obsessions pour autant.
En arrière-fond de cette enquête, des questions de société se trouvent traitées sans que le lecteur y prête forcément attention de prime abord mais qui peuvent instiller chez lui des questionnements intéressants. Ainsi, à travers le club est abordée la question de la dynamique de groupe chez les enfants à mettre en parallèle à la méfiance de l’étranger, de la nouveauté. Ainsi, l’un des membres du club est d’abord en retrait et émet des réserves sur l’enquête autour de Lily mais finira par se laisser entraîner par le groupe. Si la leçon est limpide de ne pas se fier aux apparences et aux a priori pouvant être trompeurs, sa mise en avant dans une aventure très drôle faite d’enquête et de surnaturel est bien plus subtile et maligne qu’il n’y paraît. Il s’avère ainsi particulièrement intéressant d’aborder des sujets de société pouvant avoir de graves répercussions de façon plus légère grâce à l’humour et l’aventure développés dans ce récit.
En poussant l’air de rien à certains questionnement sur les habitudes et agissements de nombreux enfants, l’engagement et la bienveillance de l’autrice sont aussi certains que subtilement amenés et donc reçus par le lecteur qui ne se voit pas jugé s’il se reconnaît là.

Ce propos est renforcé par les illustrations drôles et expressives aux couleurs vives en aplats collant particulièrement bien à l’univers de l’histoire dans un style vif, rond, malin dans ses détails et presque naïf avec les têtes de ballon des personnages à l’air perpétuellement étonnés donné par leurs yeux ronds et leurs membres élastiques.
Les Détectives du cagibi t.1 – La Nouvelle est une alien, Tanja Esch, traduit de l’allemand par Sonia Paoloni, éditions Biscoto, 17 euros, à partir de 8 ans.
Pour écouter la chronique et toute l’émission Écoute ! Il y a un éléphant dans le jardin où elle a été diffusée.
Pour plus d’informations sur Tanja Esch et sur les éditions Biscoto.