Cela fait déjà un moment que je me dis que je souhaiterais chroniquer ici plus de romans, ce qui est aussi intéressant qu’intimidant pour moi qui parle plus aisément d’illustration bien que grande lectrice de romans, qu’ils soient à destination des enfants ou des adultes.

Quoi de plus tentant alors, dans cette idée, de parler du nouveau roman d’Agnès Mathieu-Daudé, dont j’ai découvert le travail il y a quelques années avec la parution de plusieurs de ses premières lectures délicieusement drôles et fantaisistes, à l’École des loisirs déjà, L’École des souris et Dagfrid notamment. Depuis, je suis avec attention ses publications pour son sens de l’humour imparable et ses textes ciselés, brefs et percutants. Je ne vais pourtant pas trop a priori, par goût personnel, vers des romans estampillés humoristiques, mais là, j’ai été saisie à chacun de ses livres par son ton, ses mots et leur vivacité. À noter que, conservatrice du patrimoine de métier, elle ne distingue pas entre les littératures, ce qui n’est que pour me plaire plus encore, et écrit également pour les adultes, notamment aux éditions Gallimard. C’est qu’il n’y a pas de littérature jeunesse, il n’y a que de la littérature, certains textes pouvant ou non être adaptés à tous les âges, cela ne préjugeant aucunement de leur qualité littéraire. Et bien les textes d’Agnès Mathieu-Daudé publiés comme à destination de la jeunesse sont tout aussi réjouissants à lire à tout âge !

Dans Adieu, tante Aimée, on suit Jarvis, jeune garçon à qui l’on annonce le décès de sa grande-tante Aimée (Aimée étant son prénom, bien à l’opposé des sentiments nourris par sa famille à son égard) et les suites que cet événement va engendrer pour lui, bien loin de la tristesse que l’on pourrait imaginer d’abord. Ainsi, ce jeune narrateur aux préoccupations parfois farfelues va nous emmener dans une suite de conséquences en chaîne rocambolesques dont le but est de rendre son premier enterrement mémorable. Il y a là de l’excitation des premières fois dont on se fait une idée totalement erronée, ce qui entraîne quiproquos et rebondissements absurdes pour notre plus grand plaisir.

Cela commence comme du Camus (« Aujourd’hui, ma tante est morte. ») et ça se poursuit comme le roman le plus drôle que j’ai lu depuis longtemps. Bien que débutant par le décès de la grande-tante détestée, l’humour développé tend plus vers l’absurde que l’humour noir avec un décalage permanent entre les grandes idées de Jarvis, l’image qu’il se fait de ce que devrait être ce grand moment pour lui, et la réalité plus prosaïque, ce qui donne un humour de situation presque burlesque par instant avec certaines scènes particulièrement réjouissantes où, par exemple, l’enfant se met en tête de revêtir pour l’enterrement sa plus belle chemise à têtes de mort. Avec ces anecdotes sans moquerie, éloge de la fantaisie enfantine et d’un premier degré savoureux, de l’humour du quotidien déjanté vient la tendresse et une certaine forme de nostalgie de cet esprit d’enfant.

Au-delà du plaisir de lecture procuré par l’humour et la finesse du texte, le propos de l’autrice est particulièrement intéressant et malin sur la mort et surtout sur la curiosité qu’elle suscite chez le jeune narrateur. Il ne s’agit pas ici de parler du deuil ou d’une grande tristesse causée par un décès, ce qui est d’autant plus vite amené que la mort survenue est celle d’un personnage fort peu apprécié du héros et de ses proches, mais plutôt de la curiosité provoquée alors. Morte, la grande-tante, dont on se désintéressait, devient un phénomène dont Jarvis se vante à l’école, dont il rédige la chronique nécrologique dans un obscur journal local qu’il auto-édite en quelques exemplaires, dont il récupère même le chien en héritage. Par là, l’enterrement est alors un moment d’aboutissement presque festif, une célébration où l’on redécouvre alors la personne oubliée sous les fâcheries familiales.

Les romans pour enfants traitant de la mort ne sont pas les plus faciles à vendre en librairie, pour lesquels on oscille entre auto-censure des parents et fascination des enfants. Mais là, ce n’est pas tant un roman sur la mort qu’un roman sur la fantaisie d’un jeune garçon, fantaisie décuplée parce que confrontée à la mort. Il n’y a alors ni macabre ni humour noir, juste de l’humour autour d’un sujet aussi intriguant pour les enfants avec une grande bienveillance pour tous les personnages de l’histoire.

Le style d’Agnès Mathieu-Daudé me réjouit ici toujours autant dans son écriture précise, rapide, détaillée et percutante, nécessaire pour suivre Jarvis et ses idées qui fusent, rebondir d’une phrase à l’autre, d’une idée à l’autre.

À noter les illustrations de couverture et intérieures de Soledad Bravi, en total accord avec le texte ciselé de l’autrice en apportant un humour fait de quelques traits justes et bien sentis.

Adieu, tante Aimée, Agnès Mathieu-Daudé, L’École des loisirs, 10 euros, à partir de 8 ans.

Pour écouter la chronique et toute l’émission Écoute ! Il y a un éléphant dans le jardin où elle a été diffusée.

Pour plus d’informations sur les éditions L’École des loisirs.

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