Dans ce duo autrice-illustratrice inédit, j’ai de prime abord été attirée par les illustrations de Delphine Durand, une de mes autrices-illustratrices préférées pour son humour et sa fantaisie dans ses textes comme dans ses dessins avec notamment sa fantastique série des Mous, Gouniche et Ratapoil, parus aux éditions du Rouergue, sortes d’encyclopédies drolatiques sur des personnages imaginaires, leurs modes de vie et particularités.

Puis, en prêtant plus attention à l’autrice de cet album, Martine Laffon, je me suis alors rendu compte la connaître plutôt bien dans son travail passionnant de philosophe, traductrice et spécialiste de la mythologie grecque alternant entre les mondes de la littérature adulte et jeunesse sans donner l’avantage à l’un sur l’autre, l’un enrichissant alors l’autre pleinement dans les deux sens dans une démarche très intéressante. Elle a ainsi écrit plusieurs livres pour enfants sur la mythologie grecque, dont Héros de la mythologie grecque, illustré par Martin Jarrie et déjà édité aux éditions Les Fourmis rouges, ou d’autres titres chez Flammarion jeunesse mais aussi Elle tourne comme ça, illustré par Mayumi Otero aux Fourmis rouges également, reprenant le mythe de la création de la terre. Ainsi, son travail passionnant montre bien un soucis d’accessibilité de ces sujets passionnants que sont les mythes aux enfants sans pour autant trop simplifier son propos par une vulgarisation pouvant parfois être trop radicale de ces récits fascinants à tout âge tant ils sont faits de grandes aventures, de forts sentiments, re rebondissements.

Dans Une Drôle de Bête, on suit deux personnages semblant aussi proches que contraires dans leurs caractéristiques, le Dabba d’en haut et le Dabba d’en bas, deux frères qui, ayant créé la vie sur terre avec différentes espèces ayant chacune leurs particularités, se mettent en tête de créer une nouvelle espèce ne ressemblant à aucune autre et qui sera l’Homme, drôle de bête vue en rêve par l’un des deux. Cette création de l’homme évoluera alors par tâtonnements et ajouts avec les réflexions, parfois moqueuses, des autres espèces, montrant le casse-tête face à la création auquel sont confrontés les deux Dabba.

Cet album narratif bien plus fictionnel que les précédents livres pour enfants de Martine Laffon, plus proches alors du documentaire, se présente comme une légende ancienne oubliée formant une parabole particulièrement drôle sur la création de l’humanité, le mystère des origines, tant de questions si intrigantes dès un jeune âge où une telle cosmogonie, expliquant l’existence par la fiction, semble intéressante face à tous les questionnements existentiels propres à l’enfance. Le Dabba d’en haut et le Dabba d’en bas peuvent alors faire penser aux frères Prométhée et Epiméthée de la mythologie grecque ayant créé l’homme à partir de terre et d’eau et ayant eu pour mission de répartir les qualités entre les différentes espèces vivantes, Epiméthée ayant attribué toutes ces qualités avant l’homme.

Ici, c’est par la fiction, le mythe, que l’on répond aux enfants et que d’autres questionnements peuvent leur venir, ce qui en fait un album particulièrement riche et nous donne l’envie de le relire encore et encore, d’autant plus grâce à l’humour distillé tant par le texte que par les illustrations dans une forme de pédagogie joyeuse poussant aux interrogations.

Le choix de l’illustratrice qu’est Delphine Durand pour ce projet s’avère particulièrement judicieux. Si son style semble a priori antagoniste, par son travail passé, à l’univers de la mythologie grecque développé par Martine Laffon dont les précédents albums jeunesse ont été particulièrement bien illustrés mais dans des styles plus sérieux bien que pas nécessairement réalistes, les illustrations de Delphine Durand renforçant ici le parti pris a priori surprenant de l’humour que l’on sent déjà dans le texte. Ce parti pris humoristique pour un tel sujet s’avère alors réjouissant et particulièrement réussi.

Les illustrations se révèlent plutôt cocasses dans la mine de détails développés dans cet album de grand format pour représenter les deux Dabba physiquement opposés mais surtout toutes les différentes espèces et leur environnement naturel teinté d’anthropomorphisme, même les végétaux ayant parfois de gros yeux à l’affut. Les couleurs vives à la peinture utilisées donnent un relief, une texture particulière à cet univers savoureux et fourmillant de détails à découvrir un peu partout. Les techniques développées par Delphine Durand semblent assez libres et évoluent pour certaines selon les pages avec des contours mouvant et certaines doubles pages se rapprochant presque de la bande dessinée avec des formes de cases. Le tout forme alors un univers mine de rien très cohérent comme ce monde créé par ces deux autrices pour nous narrer la création du notre de monde.

Une Drôle de Bête, Martine Laffon et Delphine Durand, éditions Les Fourmis rouges, 17 euros, à partir de 4 ans.

Pour écouter la chronique et toute l’émission Écoute ! Il y a un éléphant dans le jardin où elle a été diffusée.

Pour plus d’informations sur Delphine Durand et les éditions Les Fourmis rouges.

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