On ne présente plus l’École des loisirs, maison d’édition jeunesse reconnue pour son fonds impressionnant notamment en matière d’albums jeunesse qui ont bercé mon enfance comme celle de nombreux enfants. Si, parfois, j’ai pu avoir l’impression que la maison se reposait quelque peu sur ce très beau et important fonds, depuis quelques années et l’arrivée de nouveaux éditeurs à son bord, voilà qu’y cohabitent pour le meilleur dans les nouveautés proposées tant des auteurs classiques habitués de la maison que de nouveaux auteurs aux propositions parfois surprenantes qu’on n’attendait pas forcément ici, ce qui n’est que pour me réjouir.

En cet hiver bien particulier, quelle ne fut pas ma belle surprise de découvrir grâce à l’École des loisirs le travail d’Alice Bunel, que je ne connaissais pas avant cet album, Ma Baby-sitteuse et les petites personnes. Elle a pourtant déjà illustré un premier album, plus confidentiel, en 2016, La Vraie Vie aux éditions du Chat-Minou, quelques pages de bande dessinée pour adultes assez saisissantes que l’on peut lire sur le site de RadioGrandPapier et elle réalise également des illustrations pour des projets de communication ou d’affiches de festivals.

Dans Ma Baby-sitteuse et les petites personnes, on suit Jacquotte, petite poulette, et sa baby-sitteuse Sheila, grande pouliche, qui découvrent une nouvelle animalerie sur le chemin du retour de l’école, animalerie où sont vendues des PP, très à la mode alors, petites personnes ou minuscules êtres humains de compagnie. Par un concours de circonstances, Jacquotte se retrouve avec une petite personne et, se rendant compte de sa situation peu enviable, élabore un plan avec sa baby-sitteuse pour libérer de nombreuses petites personnes.

Le principe même de l’histoire repose alors sur une inversion des positions entre les animaux anthropomorphes et les petits êtres humains de compagnie, principe particulièrement malin faisant ressortir l’absurde tant par l’humour que par l’inconfort parfois suscité par ces situations inversées, propices au questionnement par une réflexion progressive.

Toute cette aventure plutôt dense, chapitrée en plusieurs parties et pleine de rebondissements, s’avère particulièrement drôle par le présupposé en lui-même mais aussi par les personnages bien campés et les dialogues savoureux à lire à voix haute. Sheila, la baby-sitteuse, se retrouve alors présentée en caricature de jeune fille à la mode à la superficialité apparente et à l’enthousiasme facile, tant pour les petites personnes que pour toute aventure se présentant à elle, alors que la petite Jacquotte semble plus sage et réfléchie. Ces personnages quelque peu excessifs dans leurs représentations, donnant lieu à un humour à différents niveaux de lecture pour enfants et adultes, s’avèrent plus profonds dans leurs parcours que ces blagues en surface.

Aux péripéties réjouissants de ces personnages hauts en couleurs s’ajoutent mine de rien de fortes questions sous-jacentes se révélant d’autant plus flagrantes par l’inversion de la situation en elle-même, tant sur le principe même de l’animal de compagnie que sur la cruauté de l’homme envers l’animal rien qu’en l’enfermant ou le traitant comme un jouet, sur la liberté ou encore sur l’effet de mode ayant même prise sur des êtres vivants. On se retrouve alors aussi amusés par cette folle équipée que gênés par l’étrange inconfort, voire malaise, de cette prise de conscience progressive.

Au-delà de ces questions évidentes dans cet album du fait même de l’inversion des positions homme/animal, peut se poser la question plus profonde de la place de chacun dans la société dans laquelle il vit. Ainsi, si l’idée principale de Jacquotte et Sheila est de libérer les petites personnes, la question se pose alors de leur origine et de leur intégration possible autrement qu’en petits êtres de compagnie dans la société en question.

Par ce total renouveau de la représentation animale dans les albums jeunesse, Alice Bunel met alors particulièrement finement son histoire très drôle et apparemment légère au service d’une réflexion sociale très intéressante pour enfants comme pour adultes.

Cette histoire pleine de rebondissements est renforcée en cela par les illustrations et la mise en page très dynamique de l’autrice entre album et bande dessinée, donnant un rythme bien soutenu au récit où fusent les dialogues, rythme nécessaire pour suivre Sheila dans ses empressements. Les illustrations sont faites de contours marqués et nets, dans une forme de ligne claire, rehaussés de couleurs vives en aplats renforçant le côté pop et joyeux de l’intrigue.

Ma Baby-sitteuse et les petites personnes, Alice Bunel, éditions L’École des loisirs, 13,50 euros, à partir de 6 ans.

Pour écouter la chronique et toute l’émission Écoute ! Il y a un éléphant dans le jardin où elle a été diffusée.

Pour plus d’informations sur Alice Bunel et sur les éditions L’École des loisirs.

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