Marie Mirgaine est une autrice-illustratrice dont je suis avec grand intérêt le travail graphique fascinant. Elle travaille également dans le milieu du spectacle pour des décors ou des masques notamment. Je l’ai découverte en 2019 avec la parution de ses premiers livres d’illustration et un album jeunesse, Kiki en promenade, déjà aux éditions Les Fourmis rouges, pour lequel elle a obtenu une mention à la Foire du livre jeunesse de Bologne. Ces derniers mois ont également vu paraître un autre de ses albums, Dix de plus, Dix de moins, cette fois dans la collection Trapèze des éditions Albin Michel jeunesse.

Dans Fémur Immo, l’on suit les aventures de Marie-Jo Fémur et de sa famille squelette, à la tête depuis quelques siècles d’une agence immobilière s’échinant à trouver des maisons originales et adaptées à chaque créature ou animal peu ragoutant s’y présentant. Un jour, Monsieur Pasclair lui fait miroiter un générateur de maisons qui lui permettrait de répondre à chaque demande bien spécifique en deux temps trois mouvements. Mais la machine s’avère truquée pour inverser les maisons, arnaque du commercial mal intentionné pour que les clients mécontents se détournent de la fameuse agence…

Pour une fois qu’elle aborde le sujet des monstres et autres créatures horrifiques en tout genre, c’est finalement l’album le plus drôle et le moins effrayant de Marie Mirgaine ! En effet, dans ses illustrations et ses précédents albums, l’on peut retrouver un style assez unique conférant une ambiance étrange, aussi inquiétante que fascinante avec des animaux ou des personnages humains aux formes souvent désarticulées et inhabituelles et une multiplication d’effets de texture. Ici, un squelette désarticulé ne fait pas bien peur, d’autant qu’il arbore un bien grand sourire de commerçant et semble plutôt inoffensif, voire amusant, comme toutes les diverses créatures a priori d’horreur reprises ici. Est dévoilé dans cet album le grand sens de l’humour de l’autrice avec une histoire rocambolesque aux rebondissements confinant à l’absurde portée par des textes sobres et de multiples détails savoureux à débusquer à chaque nouvelle lecture, les illustrations complétant le texte en l’enrichissant pleinement. Entre humour de situation et absurde, cet album s’avère un régal de lecture avec les enfants.

Marie Mirgaine crée ici un monde parallèle horrifique peuplé de toutes sortes de créatures plus ou moins repoussantes et reprenant nombre de phobies communes, des squelettes et sorcières aux araignées ou serpents notamment. Si ce monde très sombre fascine petits et grands, il s’avère ici finalement comme un pendant nocturne et invisible de notre monde, une sorte de société idéale où toutes les créatures cohabitent sereinement et sans problèmes. Il est ainsi particulièrement intéressant de présenter des symboles d’épouvante dans une vision douce, courtoise et presque quotidienne (jusqu’aux petits chaussons de la mouche dans sa maison), cela renforçant tout l’humour et le décalage de l’histoire. D’autant plus que ces monstres ou autres sont alors parfois présentés comme très vulnérables, en situation de faiblesse, comme lorsqu’ils sont coincés dans des maisons inadaptées, celle de l’araignée pour la mouche ou du bonhomme de neige pour le dragon. Les effrayantes créatures se retrouvent alors elles-mêmes effrayées dans un retournement très drôle.

Cette parodie de notre monde quotidien par l’agence immobilière ou les notations sur internet par exemple est présentée dans un réjouissant univers renouvelant tout mon intérêt pour les livres pour enfants autour des maisons, sujet quotidien et souvent premier dessin des enfants, qui pourrait nous pousser à continuer la catalogue des horreurs en imaginant toujours plus de maisons adaptées à chaque personnage effrayant dans cette accumulation drolatique. L’on finit tout de même ici par se retrouver dans une forme de critique d’un capitalisme effréné et sans morale et de ses dérives, de la crise du logement au machiavélisme de Monsieur Pasclair, sorte de financier sans scrupules aucun.

Dans cet album, le travail graphique de Marie Mirgaine s’avère toujours aussi impressionnant et fascinant de minutie et de détails se détachant sur un fond noir de bon ton pour représenter ce monde monstrueux que l’on imagine nocturne. Les illustrations sont faites de collages de différents papiers peints selon plusieurs techniques (gouache ou aquarelle notamment) avec divers outils (pinceaux ou brosses) donnant des effets de matières et de textures très intéressants et fins. L’on oscille alors entre le grotesque de certains personnages et la finesse des détails dans ces images que l’on peut contempler et détailler pendant longtemps. Les originaux de Marie Mirgaine sont régulièrement exposés, n’hésitez pas à aller les voir, si l’occasion se présente, tant ils sont saisissants de prouesse technique et de sens de la composition des images.

Fémur Immo, Marie Mirgaine, éditions Les Fourmis rouges, 15,50 euros, à partir de 4 ans.

Pour écouter l’émission Écoute ! Il y a un éléphant dans le jardin où la chronique a été diffusée (vers 69 min environ).

Pour plus d’informations sur Marie Mirgaine et sur les éditions Les Fourmis rouges.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s